Valle de los Caídos, dernier acte d'une longue bataille juridique !

Octobre 2019 

Avec l'exhumation, ce 24 octobre, de la dépouille de Franco du Valle de los Caídos, la Démocratie espagnole met fin à une véritable anomalie : depuis 1978, les gouvernements successifs ont investi des millions d'euros pour financer un monument dont la fonction était d'immortaliser la victoire franquiste à la fin de cette guerre que Franco lui-même qualifia de Croisade.
Le Valle de los Caídos va enfin cesser d'être le mausolée d'un dictateur et les victimes républicaines qui y sont enterrées ne partageront plus leur sépulture avec leur principal bourreau.

L'esplanade devant le monument du Valle de los Caídos
                                         



Mais reprenons le récit des événements autour de la polémique sur le devenir du monument franquiste du Valle de los Caídos.
En 2017, le gouvernement de Mariano Rajoy (Partido Popular, droite) fit la sourde oreille à une décision prise à la majorité du Congrès des Députés, décision demandant, une fois de plus, que les restes du dictateur soit exhumés du Valle de los Caídos.
Mais, rebondissement dans ce véritable feuilleton, en juin 2018, une motion de censure présentée par le PSOE fait tomber le gouvernement de Mariano Rajoy. Le retour au pouvoir d'un gouvernement socialiste mené par Pedro Sánchez va changer la donne puisque l'exhumation des restes de Franco du Valle de los Caídos est un des engagements du futur chef du gouvernement.
Commence alors une bataille juridique entre le gouvernement et la famille Franco qui multiplie les recours. Sommée de choisir un nouveau lieu de sépulture, la famille souhaite inhumer Francisco Franco dans la cathédrale de La Almudena, en plein cœur de Madrid. Refus du gouvernement qui veut éviter à tout prix de créer un nouveau lieu de « pélerinage » pour les nostalgiques du franquisme.
À l'annonce d'élections générales pour la fin avril 2019, le gouvernement de Pedro Sánchez cherche à accélerer la procédure et fixe la date du 10 juin 2019 pour le transfert des restes du dictateur vers le cimetière du Pardo Mingorrubio où est enterrée son épouse ; d'ici-là, le Tribunal Suprème auquel a fait appel la famille Franco, aurait dû se prononcer, sur les mesures conservatoires demandées par la famille, mais une fois de plus, l'exhumation de Francisco Franco sera reportée.
Les résultats des élections étaient très attendus car la montée en puissance d'un nouveau parti d'extrème-droite, Vox, nostalgique assumé du franquisme et adversaire déclaré de la Ley de Memoria Histórica, s'il s'était associé au Partido Popular pour gouverner, comme en Andalousie, aurait pu compromettre définitivement le projet d'exhumation de Franco.
Le PSOE arrivé en tête des élections aurait dû rester au pouvoir. Néanmoins, faute d'accord de gouvernement avec Unidas Podemos, coalition regroupant Podemos et Izquierda Unida (gauche), le gouvernement de Pedro Sanchez devra se contenter de gérer les affaires courantes jusqu'aux prochaines élections du 10 novembre 2019. Cet intérim ne l'empêchera pourtant pas de poursuivre son objectif d'exhumer la dépouille de Franco en évitant les obstacles que dressent devant lui tant la famille du dictateur que le prieur de l'abbaye du Valle de los Caídos qui s'oppose à l'entrée dans la basilique des autorités civiles.
Le 24 septembre dernier, la décision du Tribunal Suprême tombe enfin : à l'unanimité, El Supremo lève tous les obstacles et donne le feu vert à l'exhumation de Francisco Franco qui devra avoir lieu avant le 25 octobre.
La tombe de Franco, quelques jours avant  l'exhumation 
du Valle de los Caídos (photo de El País)
La famille Franco tente bien encore des mesures dilatoires et prétend faire appel devant le Tribunal Constitutionnel car, selon elle, cette décision porte atteinte à leur droit fondamental de « décider du destin de la dépouille de Franco ». De même la Fondation Francisco Franco, tente de faire suspendre les travaux occasionnés par l'exhumation car « ils mettent en danger la sécurité des biens et des personnes »... mais finalement plus rien ne s'oppose vraiment à l'exhumation et les nostalgiques du franquisme l'ont bien compris car depuis cet avis du Tribunal Suprême, des milliers d'espagnols se pressent au Valle de los Caídos pour se prendre en photo devant la tombe du dictateur. Dernier « baroud d'honneur », les petits-enfants de Franco demandent au gouvernement de rendre les honneurs militaires au cours de l'exhumation de Franco...demande que, bien sûr, le gouvernement n'a pas acceptée.



Reste maintenant à trouver un consensus sur l'avenir du monument lui-même : en 2011, un Comité d'Experts réunis sous le gouvernement Zapatero avait déjà émis des propositions qui restent toujours d'actualité. En ce qui concerne la dépouille de José Antonio Primo de Rivera, fondateur du parti fasciste de La Falange, dont la tombe faisait face à celle de Franco autour de l'autel de la basilique, elle devrait être déplacée vers une des cryptes du monument car ce personnage politique, fusillé en 1936, a été une victime de la Guerre Civile et pourra donc rejoindre les 33 000 autres victimes du conflit, enterrées dans le monument.
Selon le Comité d'experts de 2011, le monument doit devenir un lieu de mémoire ; le défi est donc de le transformer en un outil pédagogique qui expliquera ce qu'a été le national-catholicisme (idéologie franquiste), qui a construit le monument et dans quel but, et à quoi pensait Franco en 1940 quand il a conçu le projet.
D'autres pays, comme l'Allemagne ou l'Argentine ont déjà effectué ce travail de mémoire en réhabilitant des lieux marqués par les exactions des dictatures pour les transformer en lieux de mémoire à but pédagogique ; l'Espagne va devoir relever ce défi au moment où l'extrême droite nostalgique du franquisme, avec le parti Vox, fait son retour sur la scène politique nationale.

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